Industriel. Un mot qui décrit assez bien le décor de Blackbird. Une grande porte coulissante comme il y en a dans les entrepôts, des néons jaunâtres, des déchets, les marques du temps. Quinze années ont passé. Una était jeune, très jeune même, la dernière fois qu’il s’était vu, quinze ans plus tôt. Alex en avait quarante et ils avaient eu une relation. Elle lui avait valu 6 ans de prison : la peine qu’on encourt quand on couche avec une fillette de 12 ans et que l’on prétend que c’est de l’amour. Una retrouve Alex pour une mise au point, une confrontation avec celui qui, des années auparavant, étaient son amant. Un oiseau de mauvais augure qui plane sur l’avenir des deux protagonistes, d’où le titre de la pièce peut-être.
Dialogues tendus, émotions à fleur de peau, de la peau de l’autre. Alex et Una énoncent l’un et l’autre leur version des faits. Le procès a bien eu lieu il y a des années mais c’est le spectateur qui est juge le jour de la représentation. Quinze en plus tard, avec le recul de l’âge, de la vie qui a continué, sans la pression des avocats, les versions s’édulcorent, se mélangent même parfois. Comment juger les actes passés, les passions évanouies, les visions des faits trafiquées par le temps et les sentiments ? Cette pièce de David Harrower joue sur l’ambigüité du début à fin. Il est difficile de démêler le vrai du faux, le fantasme de la réalité, la victime du bourreau. L’atmosphère de la pièce se façonne au fur et à mesure des minutes entre autres grâce à Wim Lots, qui crée la musique dans la salle, simultanément au jeu des acteurs. Les émotions qu’elle dégage sont donc taillées sur mesure, accordées aux réactions du public. Une technique qui marche ! Nous étions tendus, pendus aux lèvres de l’un puis de l’autre du début à la fin du spectacle. Blackbird est une pièce ambigüe et riche du jeu des acteurs, que le collectif IMPAKT a su s’approprier à merveille. Merci pour ce moment de théâtre.
Cécilia M.